Darkness est mort

Merimos, je peux vous demander une faveur ?
- Je ne peux vous promettre de la réaliser, mais je vous écoute.
- Si... Si je parviens à l'arrêter, créez un ordre, des guerriers qui empêcheront ce genre de type d'exister, à l'avenir. Prenez de toutes les races, j'ai pu constater que toutes avaient de grands potentiels... Nous ne nous reverrons jamais, mais j'espère que vous me pardonnerez un jour.
- ..."

Charyss arriva au Lamentations quelques heures plus tard. Le vaisseau était immense, gargantuesque. Les planètes environnantes paraissaient minuscules comparées à lui. Le plus puissant vaisseau de guerre de l'histoire. Une puissance de feu capable de ridiculiser n'importe quelle batterie d'artillerie orbitale, une vitesse de croisière comparable à celle des cuirassés les plus perfectionnés, et surtout, aucun opérateur humain nécessaire pour le manoeuvrer : Il s'occupait de tout. Cet endroit était la tanière du mal en personne. Charyss repensait encore et encore à cela, se persuadant une énième fois qu'il avait raison de faire ce qu'il faisait, qu'il n'y avait pas d'autre solution, et surtout, espérant trouver la rédemption. Il avait été le premier à le suivre. Lui et ses compagnons auraient pu le tuer pendant qu'il était encore trop faible pour leur résister, mais ils l'avaient suivi, confiant en sa force. Et Il ne les avait pas déçus. Tout aurait été parfait, s'ils n'avaient pas été Sa prochaine cible. Après avoir détruit leurs frères, ceux qui les avaient plongés dans la nuit, Il se serait retourné contre eux... Charyss en était persuadé, ou tentait de s'en persuader, il ne savait plus. Il passait porte sur porte, enchaînant couloirs et salles, ne regardant même pas les serviteurs, démons, ni même ses frères, stationnés ici ou là, ou en pleine orgie, débauche, luxure. Il ne pensait plus qu'à son objectif : Le tuer. Il fallait que cela cesse. Cette guerre déchirait le monde depuis bien trop longtemps. Il tenta de se souvenir, mais n'y parvint pas. Depuis combien de temps suivaient-ils les ordres de ce psychopathe ? Seule sa mort pourrait mettre fin à cette ère de chaos. Il se répétait inlassablement tout cela, essayant d'ignorer le prix qu'il aurait à payer, s'il réussissait. Il avait lié son énergie à la sienne, pour augmenter sa puissance. S'Il mourrait, Charyss le suivrait. Mais il n'existait aucune autre solution. Et lui seul pouvait le tuer.

Il entra dans l'énorme salle centrale du cuirassé. De grande vitres blindées donnaient directement sur le vide, donnant une sensation d'infinité à ce centre de contrôle. Il était là, trônant sur le siège du capitaine, de longs tentacules d'un noir profond partant de son corps et s'enfuyant dans le sol, dans chaque partie du vaisseau, qui réagissait ainsi aussi rapidement que son propre corps. Le dispositif de contrôle ultime, que lui seul pouvait manoeuvrer.
"Eh bien, pourquoi es-tu revenu, Charyss ? Ne t'avais-je pas demandé de conduire ta flotte dans la zone orientale de l'empire ? Où est ta flotte ? Tu n'es pas revenu seul quand même ?
- Je suis revenu mettre fin à tout ceci, Darkness. - Mettre fin ? Tu veux démissionner ? Hahahahahaha
- Je suis venu te tuer. Pour mon peuple.
- Et pour ta bonne conscience, hein ? Tu as toujours été trop gentil, je pensais pourtant qu'être à mon service corrigerait ce petit défaut.
- Il faut croire que contrairement à toi, n'être plus que l'ombre de celui que j'étais n'a pas altéré mon sens de l'honneur...
- Et donc tu comptes me tuer ? Tu n'en es pas capable, tu le sais bien. Même si tu y parviens, tu mourras avec !
- Alors viens m'affronter. De l'acier naîtra la vérité.
- Jolie formule. Tu l'as trouvée seul ?"

Là dessus, Darkness descendit de son trône. Il était monstrueux. Plus de cinq mètres de haut, un corps totalement modifiable, fait d'une matière étrange, noire, luisante, et surtout indestructible. Capable de s'étirer à volonté, de se courber, s'amollir ou se durcir... Même Charyss et ses trois mètres cinquante-et-un paraissait petit à côté de lui. Et pourtant ils avaient été de la même espèce. Il n'oublierait jamais ce moment où il l'avait vu naître. C'était en cette période reculée où tous les vents de magie ambiants dus à la naissance des jeunes dieux s'étaient brusquement taris. Lui et les siens étaient en pleine guerre contre les Anlios, une espèce qui n'avait pas compté sur la magie mais sur la technologie pour régner sur ce monde. Et en ce jour, la balance s'était inversée en leur faveur. Privés de leur magie, ses frères se faisaient massacrer, jusqu'à ce que... Quelque chose, il ne savait pas, à l'époque, de quoi il s'agissait, prenne le contrôle du seigneur Makiroïs et lui permette d'utiliser à nouveau sa magie, en utilisant comme énergie sa force vitale, principe aujourd'hui répandu, mais à l'époque novateur. Mais sa seule force n'avait pas suffi à Makiroïs pour vaincre tous ses ennemis, il avait donc attrapé un de ses lieutenants, et avait absorbé la totalité de son énergie, détruisant d'un coup les deux flottes en plein combat. On ne savait comment, Makiroïs s'en était tiré, et avait réapparu sans autre explication sur une planète proche. Celui qu'il avait "vidé" était devenu Darkness, il ne savait trop comment, et Charyss et les autres survivants étaient devenus des parias, chassés comme des bêtes par tout ceux de leur espèce. Ainsi avait commencé la guerre. Tout ça à cause de cette créature, Démon. C'était lui qui avait pris le contrôle de Makiroïs, lui qui avait corrompu ses frères, et même lui qui avait créé Darkness. Mais à présent, Démon était enfermé dans un cristal, au coeur d'une forteresse imprenable, l'empêchant à tout jamais d'agir sur le plan des mortels. Seul Darkness restait, et il était temps de mettre fin à cette folie.
Ainsi, les corrompus rejoindraient les purs, et l'empire retrouverait l'intégralité de sa puissance.

Charyss fut tiré de sa rêverie par un énorme tentacule en forme de lame qu'il esquiva d'un cheveu, et tira son énorme épée à deux mains. Les choses sérieuses commençaient, pas question de se laisser distraire. Darkness attaquait sans cesse, impassible comme toujours lorsqu'il affrontait quelqu'un de fort. Charyss pouvait pourtant sentir son excitation. Ce malade adorait la mort. Charyss déviait les coups un à un, se rapprochant de plus en plus. Puis bondit, esquivant un large coup de taille, et tenant son épée à une main, l'envoya de toutes ses forces dans le flanc du démon. Elle y rebondit proprement, et l'instant d'après tout le ventre de Darkness se changèrent en pointes acérées qui filèrent vers Charyss. Il se jeta en arrière et s'éloigna rapidement. Son arme était inefficace, il le savait. Il ne lui restait plus qu'à utiliser ce qu'il avait découvert peu de temps avant. Il se concentra un instant, puis sentit le pouvoir arriver. Une aura de lumière éclatante entoura son corps. Darkness recula. Il n'avait jamais rien vu de tel, mais de par sa nature de démon, ne connaissait que trop bien cette magie : c'était la seule chose capable de détruire son corps. Là où le feu, la glace, la foudre, ou même l'énergie pure ne pouvaient rien contre lui, cette magie bénie brûlait son corps au simple contact. Ce combat allait donc être intéressant. Il ne pourrait pas parer les assauts de son adversaire, car son arme traverserait la sienne comme du beurre.
Une intense douleur envahit le corps de Charyss au moment où son bras corrompu s'embrasait, se consumant sous l'effet de son épée. Il allait devoir finir le combat de sa mauvaise main tout en souffrant le martyre tandis que sa propre magie combattait contre son corps. Mais tout ceci importait peu. Ses craintes étaient parties, une sorte de douce sérénité s'emparait de lui, son corps bougeait à une vitesse irréelle. Il était en paix. Il allait gagner ce combat et trouver le repos. Son âme allait être sauvée. Il concentra brutalement son énergie dans sa main valide et lança une boule de lumière contre celle qu'avait envoyé Darkness, presque machinalement. Une énorme explosion secoua le Lamentations, mais Charyss s'en moquait. Il attaqua, encore et encore, frappant de taille et d'estoc avec une vivacité et une dextérité qui dépassaient celles qu'aurait pu espérer atteindre le plus doué des mortels. La déesse le guidait, malgré son lourd passé. Il trancha Darkness, encore et encore, cherchant au milieu de ce corps sans cesse changeant son seul point vulnérable, le seul vestige de son ancienne nature : son crâne. Le problème était que celui-ci pouvait se trouver n'importe où en lui. Soudain, une série de coups incroyablement rapides de Darkness le força à reculer.
"Tu ne crois tout de même pas que je vais te donner la satisfaction de me tuer, si ?
- Et par où comptes-tu t'enfuir ?
- Hahahaha ! sacré Charyss, qui parle de s'enfuir ?"
Sur ce, Darkness utilisa toutes les forces qu'il lui restait pour créer la plus gigantesque attaque d'énergie que Charyss avait jamais vu. Une titanesque sphère translucide de couleur sombre, changeante, immatérielle, se forma dans sa main.
"Adieu, Charyss !" hurla Darkness en se l'enfonçant dans le corps.

Le Lamentations se disloqua dans une titanesque explosion. Même de là où il se trouvait, Merimos pouvait le voir. Aucune trace de Darkness. Charyss avait réussi. Merimos pria pour le repos de son âme.
"Je suppose que nous pouvons considérer cela comme une victoire.
- Je le crois aussi, Makiroïs.
- C'était un brave, malgré ses errements, il a tenu parole, jusqu'au bout. Pourquoi les meilleurs doivent-ils toujours se sacrifier ?
- C'était son choix, et la seule solution. Il le savait. Le mieux que nous puissions faire à présent est d'accéder à sa dernière requête : demain, l'ordre des Templiers ouvrira ses portes.

La voix grave mais douce de Beldar se tut. Le temple était totalement silencieux, chacun, frère, chapelain ou apprenti, méditant sur l'histoire du fondateur de leur ordre. La plupart d'entre eux l'ignoraient totalement jusqu'à ce jour.
"Voilà, dit enfin Beldar. C'est tout ce qu'Yggdrasil contient sur Charyss le brave, notre maître.
- Frère Beldar, je pense que nous devons parler quelque peu, vous et moi. Sans doute avez vous déjà été mis au courant.
- Oui. Darkness est de retour, ou plutôt une créature qui lui est semblable, et il a envoyé un défi à notre temple. Ce type est complètement fou.
- Et il doit mourir. Nous avons été choisis, mon frère. Vous et moi irons détruire cette monstruosité, demain.
- Je sais, frère Dante, et nous n'échouerons pas.
- Cela n'entrait pas dans mes intentions."

Est-ce bien prudent, Merimos ? Ils sont forts, et ne manquent pas de courage, mais sont encore jeunes ! Pourquoi ne pas y aller nous-mêmes ? Je ne veux plus risquer de perdre des guerriers aussi braves qu'eux. - Pourquoi crois-tu que je les ai enfin autorisés à consulter Yggdrasil, concernant Charyss ? C'est leur combat, celui de leur père à tous. Eux seuls doivent le mener. Ne t'inquiète pas, Makiroïs, mon frère, ils nous reviendront, victorieux.
- Puisse l'avenir te donner raison, mon frère..."

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