Fan Fic

Les déboires des magiciens

Jezebel était étonnée. Elle et ses compagnons venaient d'arriver dans une petite piÚce cossue, aux murs décorés de rideaux, de tableaux, et même d'une sorte de bol posé sur un guéridon, qui laissait s'échapper de douces flammes ; le tout surmonté d'un masque doré qui respirait la paix. Quelques petits fauteuils étaient également disposés sur un tapis sur lequel on aurait dormi sans se poser de questions. Rien là-dedans ne donnait une quelconque impression d'aventure.
"Euh... où sommes-nous ? demanda Jezebel au jeune garçon.
- Ma foi, je n'en sais rien. Flendar ne m'avait pas dit que j'arriverais dans un endroit pareil.
- Aucune indication sur Melian ? Il a l'air de vivre ici, dit Revee en examinant le petit feu.
- Peut-être devons nous attendre qu'il revienne ?" proposa Wilma.

Revee leva la tête, et regarda droit dans les yeux le masque qui se tenait devant elle. Ce visage n'était pas symétrique, mais une impression de sérénité s'en dégageait. Sur ses contours, il y avait des mots écrits dans une langue qui lui était inconnue. Le masque était doux par sa physionomie. Il semblait presque respirer, vivre.
"Tu as l'air de nous cacher quelque chose, murmura-t-elle autant pour le masque que pour elle-même.
- Tu voulais lui demander quoi, au juste ? demanda Jezebel à Kern.
- Comment terminer le rituel. Alphrus a donné des instructions bizarres, ce ne sont pas celles du rituel de la Nuit Éternelle. Flendar a beau être un bon mage noir, il n'a pas le niveau de notre maître. Il ne peut pas terminer le rituel sans aide.
- Si je te suis, tant que Melian ne vous aura pas dit comment procéder, vous ne pourrez pas achever le rituel à la prochaine lune ?
- Précisément, dit Kern en lâchant un soupir.
- La solution est toute trouvée, alors ! s'exclama Jezebel avec joie. On empêche Melian de leur parler, on tue ce Flendar et ses acolytes, et c'est réglé !"

Jezebel continuait d'observer le masque. Et soudain, elle comprit : c'était une langue d'avant le Silence qu'elle lisait, c'était un masque de l'ancien monde.
"Melian, dit-elle doucement. C'est l'Oracle."

À ce mot, le masque sembla se réveiller.
"Des magiciens. Soyez les bienvenus dans mon humble demeure.
- Nous te remercions, Î grand Melian, répondit Kern. Pourrais-tu répondre à quelques questions sur la magie ?"

Jezebel ne laissa même pas le temps de répondre à l'Oracle.
"On ne va quand même pas le laisser interroger l'Oracle comme il veut pour ses fins abominables ? objecta-t-elle.
- Il faut bien que le rituel ait lieu, lui chuchota Revee. Sinon, comment veux-tu que nous exécutions notre plan.
- Hum, tu as raison.
- Posez les cristaux, et revenez ensuite me voir, reprit l'Oracle.
- Les cristaux, quels cristaux ? demanda Wilma.
- Ma mémoire a été endommagée quand Archibald est venu, il y a de cela plusieurs années, lors des guerres de Successions. Il m'a retiré les quatre cristaux mémoire qui contiennent tout ce que je sais de ce monde, pour en tirer des informations. Grands Dieux, faites qu'il ne les ait pas endommagés ! Ramenez-moi les cristaux mémoire, et je pourrai vous répondre. Il y en a un à Château Darkmoor, un autre à Alamos, encore un autre à Château Kriegspire, et le dernier se trouve sur l'île de l'Ermite.
- Kern, je crois que nous ne pourrons répondre à tes questions avant quelques temps. Nous n'avons que quatre jours avant le début du rituel, je crois que cela va être compliqué de ramener tous les cristaux."

Kern fit une mine dépitée, et Revee se retourna vers l'Oracle :
"Merci, divin Oracle. J'espÚre que tu comprendras que nous n'avons pas le temps de rechercher tes cristaux, mais nous avons une mission bien plus importante à accomplir. Adieu, Melian.
- Et si vous pouviez ne pas parler de notre venue aux personnes qui viendraient dans les quatre jours, nous vous en serions reconnaissants, ajouta Jezebel.
- Comptez sur moi, dit Melian d'une voix douce. Je sens le bien en vous. Faites attention à vous. Que les Dieux vous accompagnent."

L'Oracle sembla se rendormir. Il reprit la figure paisible qu'il avait arborée quelques instants plus tÎt. Ils sortirent les uns aprÚs les autres de la salle par la petite trappe. Revee remit l'échelle de cordes en place avec son bâton, et referma la trappe.
"Il parlait pour moi aussi, l'Oracle, quand il a dit qu'il sentait le bien en nous ? demanda Kern.
- Certainement, dit Revee, sinon il te l'aurait dit. Mais bon, il y a toujours quelque chose de bien en nous, non ? Enfin, je crois que tu es stupide de choisir la voie de l'ombre.
- Au pire, on te tuera, et tu n'auras plus à te préoccuper de ça ! rétorqua Jezebel froidement.
- Où allons-nous, maintenant ? demanda Wilma.
- À Baie Argentée. Il faut que nous sachions plus précisément qui est ce Flendar. Et comment fonctionne le rituel. La BibliothÚque de la Baie doit renfermer bon nombre d'informations là-dessus.
- Certes..." dit Jezebel.

Revee comprit tout de suite que son amie n'était pas d'accord. Mais il fallait à tout prix attirer les nécromanciens pour les mettre hors d'état de nuire.

Baie Argentée. Jezebel et Revee étaient revenues à leur point de départ. Kern n'avait jamais vu cette ville encore, et Wilma semblait un peu blasée. AprÚs tout, cette derniÚre avait déjà beaucoup voyagé.

Revee les fit entrer à Château Fleise, et leur montra la bibliothÚque des druides. Là, ils trouveraient certainement de quoi les aider pour le rituel. Pendant ce temps, Revee irait donner à Loretta Fleise les informations qu'ils avaient récupérées depuis le début de l'aventure. Lorsque leur entretien fut fini, Revee retourna à la bibliothÚque, où elle trouva Jezebel, Wilma et Kern en train d'éplucher studieusement les livres traitant de la magie noire, qui n'étaient cependant pas trÚs volumineux : les druides n'y connaissaient pas grand-chose, et les nécromanciens ne révélaient que trÚs rarement leurs secrets.

Toutefois, ils purent trouver dans un manuel de rituels quelque chose qui ressemblait à ce que Kern savait. C'était un rituel trÚs compliqué, nécessitant la présence d'une douzaine d'assistants prêts à faire les offrandes dans un temps imparti, et de cinq magiciens qui alimenteraient le rituel en énergie magique, mais il y avait quelque chose de plus sombre encore. Et l'explication se révélait confuse. Kern lut le texte pour ses compagnons :

"Lui, qui ainsi revient, est de trÚs loin plus fort
Que dans son propre corps, celui d'un homme mort.
Il devra trouver, afin de sceller le sort,
Celui dont la magie a empli tout le corps,
Qui par l'âme sauvage le plus lui ressemble,
Pour que chair et esprit, ne faisant qu'un, s'assemblent."

"Mouais, pas trÚs clair tout ça, dit Kern.
- Il y a pire, objecta Revee. Voyons, il faut quelqu'un de vivant, qui ait étudié la magie, et qui soit sauvage. Une idée, Kern ?
- J'imagine que c'est Flendar. Il doit attendre avec impatience le privilÚge de pouvoir servir son maître jusqu'au bout, afin qu'il renaisse. Et je serai un maître de l'Ombre.
- Alors, ajouta Jezebel, il ne sera même pas liche dans ce cas, il sera un être humain comme les autres.
- Cela ne nous dit pas comment faire pour terminer le rituel, répliqua Kern. Si ça ne marche pas, notre maître ne renaîtra pas.
- Et tu ne pourras pas devenir un mage noir ! compléta Revee en riant franchement (ce qui ne lui arrivait guÚre, d'ailleurs). Dieux, vois comme nous sommes, sans magie noire. Mais enfin, tu fais tes propres choix, nous ne t'empêcherons pas. Sauf si tu te mets en travers de notre chemin.
- Et j'en ai bien l'intention. Alphrus renaîtra, vous pouvez en être certaines.
- Tu ne pourrais pas plus te tromper, petit, dit Wilma. Je connais mieux Harper que quiconque ici, et c'est un obstiné. Un grand obstiné. Il te tuera s'il le faut. Comme les autres, je pense."

Kern se renfrogna. Glen avait affaibli son esprit, et ces femmes semblaient tellement puissantes... Par-dessus tout, elles n'étaient pas seules. Que pouvait-il bien faire ?

Ils cherchÚrent des informations sur Flendar, mais n'ayant déjà rien trouvé sur Alphrus, ils se doutÚrent qu'il n'y avait rien de plus sur Flendar.
"Et toi, Kern, que sais-tu de Flendar ?
- Pas grand-chose, à vrai dire. Quand j'ai entendu dire qu'Alphrus était passé à Darkmoor, il y a deux ans, j'ai fui ma famille pour rejoindre ses rangs, et il m'a assigné Flendar comme maître. J'ai appris les magies du Feu et de l'Ombre avec lui, et je pense qu'il me considérait comme un bon disciple. Mais, en ce qui concerne sa vie personnelle, ou la raison pour laquelle il a rejoint Alphrus, je n'en sais rien.
- Bref, on n'a rien !" résuma Jezebel.

Revee et ses compagnons sortirent de la bibliothÚque du château, rembrunis par le fait de n'avoir presque rien trouvé.
"Nous devons retourner à Eau Claire, maintenant, ordonna Revee. Il va bientÎt faire nuit, et je ne veux surtout pas que le charme de Glen s'estompe. En avant."

Terry et Caao avaient chaud, sous leurs armures. L'aprÚs-midi s'était passé sans aucune anicroche. Ils s'ennuyaient. Ils pouffaient de rire de temps à autre, quand Harper criait un peu. Assis sur des rochers qui entouraient l'entrée de la grotte, ils attendaient sagement l'arrivée de leurs amies. Mais ils supposaient que leurs recherches allaient être longues. La nuit tombaient, et tous deux se réjouissaient de la fraîcheur nocturne qui allait régner dans l'air.

Ils sentirent soudain que quelqu'un s'approchait, à pas feutrés, délicatement ; ils comprirent que c'était une femme, elle dégageait une aura magique particuliÚre que Caao connaissait, sans s'en souvenir. Et en effet, une femme apparut dans la pénombre. Son visage était découvert, elle était brune, ses yeux brillaient presque dans l'obscurité. Enfin, Caao la reconnut :
"Wilma Cook. Que fais-tu ici ? lui demanda-t-il, avant d'ajouter à l'adresse de Terry qu'elle était une amie.
- Je voulais voir Harper... dit-elle avec espoir.
- On peut peut-être arranger ça." dit Caao.

Comme il l'avait fait précédemment, il envoya une petite décharge de son aura magique aux alentours. Harper accourut aussitÎt :
"Que se passe-t-il ?
- Wilma veut te parler.
- Oh ! Wilma, que fais-tu là ?"

Harper donna sa cape à Terry, qui Îta son armure, et partit dans la grotte pour donner le change et étudier à nouveau les symboles. Pendant que Caao continuait à surveiller l'entrée de la grotte, Harper et Wilma s'éloignÚrent un peu pour parler seuls à seuls.
"Pourquoi es-tu venue, Wilma ? demanda Harper.
- J'imagine que Revee n'a pas eu l'idée seule de m'appeler pour l'aider.
- Bon, d'accord. Mais de là à venir jusqu'ici...
- Je voulais... juste te voir, et m'assurer que tu allais bien.
- Eh bien, voilà, je suis là, je vais bien. Que veux-tu d'autre ?
- On pourrait parler un peu ?
- Mais, de quoi ? C'est pas le moment, Wilma !
- Du passé, de ces bons moments ensemble.
- Tu vas me refaire une scÚne, c'est ça ?"

Wilma allait répondre, mais Harper l'en empêcha :
"C'est fini ! Évidemment, je ne vais pas renier le fait que je t'ai lâchée parce que j'étais égoïste et que la magie m'importait plus que tout, ça, je l'admets bien, je l'admets, je suis coupable.
- Et tu n'as jamais considéré ça comme une parenthÚse ?
- Comme une ... ?"

Harper se tut. D'une, il ne savait pas quoi répondre. De deux, il sentit une aura sombre dans l'air, qui se rapprochait.
"Enfuis-toi, dépêche, le mage arrive !" murmura-t-il à Wilma.

Elle fit quelques pas en arriÚre, déçue de ne pas avoir pu aller plus loin dans leur conversation, puis disparut dans un Portail de Rappel.

Terry regardait à nouveau les symboles bizarres sur le sol. Les hommes avaient progressé, il y avait plus à étudier. Effectivement, le rituel était étrange. Et compliqué. Non, ce n'était vraiment pas celui de la Nuit Éternelle. Par quelques aspects, cela y ressemblait, mais la base des symboles était tout autre. Il voyait là qu'il fallait faire sacrifice de son sang, les symboles mentionnaient l'âme d'Alphrus, mais pas son corps. Ici était mentionné une sorte de receveur. Non, Alphrus ne reviendrait pas sous la forme d'une liche, mais sous la forme d'un être humain, à qui il aurait dérobé le corps. Il serait alors beaucoup moins fragile.

Terry comprit que celui qui serait placé face à l'entrée, au fond de la grotte, serait la personne à qui l'on insufflerait l'âme d'Alphrus. Les autres donneraient quelques gouttes de leur sang pour renforcer encore le corps de celui qui serait la réincarnation d'Alphrus. Mais où irait l'âme de celui qui accueillerait le nécromancien dans son corps ? Terry ne le savait pas. Peut-être y avait-il d'autres instructions qui n'étaient pas encore inscrites sur le sol.

Soudain, il sentit une aura sombre surgir, au loin. Il se précipita hors de la grotte, prêt à accueillir le visiteur inconnu.

Harper courut à la grotte. Réalisant qu'il ne pourrait reprendre la cape qu'il avait confiée à Terry, il s'habilla de l'armure que celui-ci avait laissée au sol. Au moment où il mit son casque, Terry sortit de la grotte.
"Et qu'est-ce que je fais, moi ? demanda celui-ci, inquiet.
- Euh, tu donnes le change autant que tu peux. Tu es allé voir Melian, et il n'a rien voulu te dire. Tu t'appelles Kern. C'est tout."

Terry n'en fut que plus désemparé. Il allait devoir faire avec. Il tenta de prendre un air serein et attendit. Un homme au visage blafard, qui n'était autre que Flendar Jorden, apparut dans un bruissement. Il avait l'air mécontent, mais son visage s'illumina quelque peu lorsqu'il aperçut celui qu'il croyait être Kern, et les deux soldats qui l'entouraient.
"Mes félicitations, tu as trouvé des gardes, dit-il. Tu as été rapide ! Mais je sais bien que je peux compter sur toi, mon fidÚle apprenti !
- Comme toujours, maître, dit Terry d'une voix mielleuse.
- Comment cela a-t-il avancé ?
- Correctement. Je pense que ce sera fini pour la nuit que nous attendons.
- Bien. Allons voir cela."

Terry, Harper et Caao n'en revenaient pas. Flendar s'était une fois de plus laissé berner. Il avait beau être un mage noir, il était vraiment trop confiant en lui pour se méfier de quoi que ce soit. Flendar et Terry entrÚrent dans le long couloir qui menait à la grotte, empêchant ainsi Harper et Caao d'entendre ce qu'ils disaient.
"Et Melian ? demanda doucement Terry.
- Il semble obstiné à avoir perdu la mémoire. Satané Archibald ! Il aurait dû garder les cristaux ensemble, plutÎt que de les éparpiller comme un idiot. Il faudra faire sans aide, alors."

Terry ne savait pas quoi répondre. Surtout, il ne savait pas ce que Flendar sous-entendait. Le mage noir inspecta rapidement les inscriptions au sol.
"Allez, reposez-vous, vous autres. Mais sachez que demain, vous devrez aller plus vite."

Les hommes sortirent un à un de la grotte. Caao et Harper les virent partir silencieusement en direction de l'Est, vers le village de Kriegspire. Terry regarda à nouveau les symboles, et demanda :
"Que faisons-nous, alors ?
- Je n'en sais rien. Alphrus saurait certainement. À moins de pouvoir aller à Edenbrook, je ne vois pas de solution."

Edenbrook. C'est là que Terry habitait. Il connaissait certainement la solution, alors. Trouver comment terminer un rituel de magie noire. Évidemment, qu'il était bête. À Edenbrook se trouvait l'homme qui s'y connaissait le mieux en magie de l'Ombre. Su Lang Manchu. Celui qui formait les hommes assez puissants pour maîtriser la magie de l'Ombre. Il s'y connaissait certainement en rituels sombres, du moins devait-il en avoir entendu parler.
"Au fait, Kern. Tu as oublié quelque chose, quand tu es allé voir Melian.
- Quoi donc, demanda Terry, complÚtement déboussolé.
- Une des rÚgles les plus importantes, pourtant. L'une des premiÚres que je t'ai apprises."

Terry, sous son capuchon, fit mine de réfléchir, sachant qu'il allait devoir souffrir la colÚre de Flendar s'il ne répondait pas, et il ne pouvait pas répondre sans être sûr de se tromper. Le mage noir pivota sur lui-même. Terry le voyait de dos.
"Le camouflage ! Tu as tué un rat, et tu ne l'as pas caché ! Et un rat qui meurt gelé, même dans les égouts, ce n'est guÚre courant, tu en conviendras, j'espÚre.
- Bien sûr, maître. Vous m'en voyez désolé, maître."

Flendar se retourna brusquement, et le prit d'une main par le cou en le soulevant de terre.
"Petit insolent ! J'ai bien vu tes manigances, depuis hier soir. Le vrai Kern Zelle ne connaît pas la magie de l'Eau. Où est-il ?!"

Flendar lui Îta son capuchon et le toisa férocement du regard. Terry était fichu. Il s'en voulait de s'être trahi, mais cela n'aurait pas pu se passer autrement. Il pensa soudain à Caao, et fit éclater son aura un instant pour signaler sa détresse.
"Tu appelles tes comparses les gardes, hein ? Je vais n'en faire qu'une bouchée !" persifla-t-il.

Et il le jeta à terre, puis déganta sa main droite et se tourna vers l'entrée, prêt à jeter un sort maléfique.